débat : faut-il récompenser les collaborateurs surinvestis ou réduire leur investissement ?

#bien-être au travail #motivation #productivité

20 mars 2023

Ils sont surmotivés, toujours prêts à contribuer à des projets et ne comptent pas leurs heures, quitte à travailler le soir et le week-end… Cet engagement, doit-il être encouragé, ou faut-il au contraire le limiter ? Deux experts du management et de la santé psychologique au travail ont accepté de répondre à cette question cruciale.

oui, ils méritent d’être récompensés.

Olivier Meier, Professeur des Universités, directeur de l'Observatoire ASAP (Action Sociale et Action Publique)
Olivier Meier

« À partir du moment, où un collaborateur ne tombe pas dans un perfectionnisme maladif, le surinvestissement permet de redonner de l’envie et d’initier un mouvement », Olivier Meier, Professeur des Universités, directeur de l’Observatoire ASAP (Action Sociale et Action Publique), et coauteur de Managementmentor – La référence du management hybride.
« Dans un contexte de pertes de repères et de sens, de manque d’appartenance et d’engagement des collaborateurs vis-à-vis de l’entreprise, il pourrait sembler paradoxal de chercher aujourd’hui à freiner un surplein d’énergie de leur part », déclare Olivier Meier.

Force est de constater, chez beaucoup de collaborateurs, une tendance à la résignation, à l’apathie avec une diminution de la motivation au travail (comme le met notamment en avant l’enquête d’opinion Ifop pour la Fondation Jean Jaurès). Cela nuit à l’efficacité individuelle et collective. Cette réalité est d’autant plus prégnante dans un contexte d’équipe virtuelle et de travail à distance, qui peut favoriser l’isolement social et psychologique des collaborateurs.
« Un collaborateur surinvesti peut par conséquent être un gage de sur-motivation, d’intérêt personnel pour le travail proposé, qui par son énergie et sa passion peut favoriser la prise d’initiative, la créativité et l’innovation, mais également entraîner (stimuler) les autres collaborateurs dans sa démarche », explique-t-il. Bien entendu, il ne s’agit pas ici de récompenser des personnes perfectionnistes à l’excès ou susceptibles de mettre en danger leur santé.
À l’instar d’un joueur de football qui croit en la victoire de son équipe et crée une émulation, un collaborateur particulièrement motivé saura lui aussi générer une énergie positive au sein de son service. Pour Olivier Meier, ce n’est donc pas tant le surinvestissement qui pose problème, mais plutôt le fait que les objectifs que se fixent les collaborateurs soient supérieurs à ceux donnés par l’entreprise elle-même.
Un collaborateur surinvesti peut être un formidable atout pour une équipe, si son énergie débordante est mise au service du collectif et de l’intérêt de tous. Il appartient donc au manager de canaliser cette énergie au service des objectifs de l’entreprise dans le cadre d’un accompagnement personnalisé, afin d’éviter tout risque de dérapage ou de déviance.
« Face à la prise de conscience de l’importance de certaines compétences nouvelles et non-conventionnelles, comme les soft skills ou les mad skills, il serait dommage de ne pas miser sur des collaborateurs talentueux, capables de concilier conviction, engagement et créativité », ajoute-t-il.

non, il faut les préserver en réduisant leur investissement.

Patrick Legeron, psychiatre, fondateur du Cabinet Stimulus, enseignant à Sciences Po Paris
Patrick Legeron

« Non seulement, le surinvestissement au travail est dangereux pour la santé du collaborateur, mais il n’est pas synonyme de performance », Patrick Légeron, psychiatre, fondateur du Cabinet Stimulus, enseignant à Sciences Po Paris et coauteur des rapports sur les risques psychosociaux pour le ministre du Travail et sur le burn-out pour l’Académie de médecine.

Pour Patrick Légeron, au contraire, un surinvestissement au travail n’est pas recommandé. En effet, même si cette tendance est un peu en recul depuis la crise Covid, les dernières enquêtes européennes montrent que les Français sont aujourd’hui, en Europe, ceux qui donnent le plus d’importance à leur travail en le surinvestissant. En parallèle, ces derniers sont aussi les plus stressés.

importance du travail en France et en Europe
importance du travail en France et en Europe

Pour 62 % des Français, la valeur travail est jugée comme très importante, contre 55 % par les Européens (d’après l’enquête sur Les valeurs des Européens de 2018 renouvelée tous les 9 ans).

Un rapport de l’Académie nationale de médecine souligne que le surinvestissement au travail augmente considérablement les risques de burn-out. « Ainsi, des personnes qui considèrent le travail comme la priorité absolue de leur existence ont aujourd’hui 3 à 4 fois plus de chances de faire un burn-out », souligne le psychiatre.
Mais attention, la réponse à ce problème de surinvestissement ne peut pas être non plus un désinvestissement total. Investir son travail de manière raisonnée est la posture la plus adaptée. A l’instar du marché boursier où il est préférable de diversifier ses placements pour ne pas tout perdre, il est vivement recommandé de varier ses centres d’intérêts dans son existence.
« Sans compter, qu’au-delà de l’enjeu de la santé, le surinvestissement n’est pas corrélé à l’efficacité », observe Patrick Légeron.
Bien au contraire, les études menées en psychologie de la performance montrent qu’un investissement « raisonné » donne de meilleurs résultats qu’un surinvestissement.
Preuve en est chez les sportifs de haut niveau. Prenons ainsi pour exemple le cas de la championne d’athlétisme Marie-José Pérec lors des Jeux Olympiques de Sydney en 2000 :

  • Alors qu’elle était dans un état de surinvestissement poussé à l’extrême, elle avait craqué sous la pression.
  • A contrario, le judoka David Douillet, qui avait abordé la compétition avec un état d’esprit raisonné, avait quant à lui, performé et remporté sa troisième médaille d’or.

Ainsi, trop d’exigences de performances tuent souvent la performance.
« Pour préserver ses collaborateurs, l’entreprise doit veiller à ce que leurs vies personnelles et professionnelles soient équilibrées, éviter les surcharges de travail, sans oublier de couper les connexions Internet afin que les workaholics (accros au travail) ne puissent s’adonner à un investissement excessif et déraisonné », conclut Patrick Légeron.

et plus encore :

Alors que certains en font toujours plus, d’autres cherchent à en faire moins. Travailler moins pour vivre mieux est un écho à l’actualité qui invite à remettre en question l’équilibre vie pro/perso et l’organisation du travail.

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