Le manager coach : une posture qui dissimule des mythes

#leadership #motivation #productivité

8 février 2021

La notion de « manager coach » dissimule des mythes selon Thierry Paulmier. Un manager a davantage vocation à devenir un expert en intelligence émotionnelle qu’un coach.

« Un chef, c’est fait pour cheffer »

Jacques Chirac se plaisait à rappeler cette évidence : « Un chef, c’est fait pour cheffer ». Par cette formule, on n’explique pas ce qu’est un chef mais on souligne la nécessité pour le chef d’assumer pleinement sa fonction. 

Lorsque l’on avance la notion de « manager coach », on est partagé entre l’impression d’énoncer un pléonasme ou allier deux mots de sens contradictoires. On énonce un pléonasme si l’on se réfère au coach sportif, car le manager a aussi pour fonction d’aider ses collaborateurs à actualiser leur potentiel et à maximiser leur performance. Cette dimension de Pygmalion ou de mentor fait partie intrinsèque du métier de manager. Mais, à l’instar du Pygmalion, du coach sportif ou du mentor, le manager le fait en position haute : il juge, conseille, enseigne, forme, dirige et ordonne. En revanche, on forge un oxymore si l’on se réfère à « la posture » de coach telle qu’elle est enseignée dans les formations de coaching, c’est-à-dire une position basse dans laquelle on se refuse de juger, conseiller, enseigner, former, diriger ou ordonner et où l’on accompagne par un questionnement et une écoute active vers un certain objectif. Car, dans ce cas, le manager n’agit plus comme un manager, dans la mesure où il renonce à agir de manière descendante (top-down). 

Ce nouveau concept de « manager coach » dissimule deux mythes qui rencontrent un écho de plus en plus favorable dans le monde de l’entreprise : 

  • le premier, que le coaching serait un remède miraculeux contre le mal management ; 
  • le second, que les entreprises pourraient se passer de managers.

Le mythe du coaching comme panacée contre le mal management

Le coaching a connu un tel succès dans le monde de l’entreprise qu’un nombre croissant de managers se dérobe à leurs responsabilités managériales en sous-traitant à des coachs la résolution des problèmes relationnels avec ou entre leurs collaborateurs. Ainsi, par exemple, un directeur général m’explique qu’il a des problèmes relationnels avec l’un des membres de son comité de direction ; ce dernier lui ayant même avoué qu’il avait peur de lui. Au lieu de s’interroger sur sa manière de manager – sans doute un peu tyrannique -, il lui a offert des séances avec un coach. Autre exemple, le directeur d’une institution, confronté à la détérioration des relations entre ses deux adjoints, a choisi de leur offrir à chacun des séances avec un coach. 

Les managers n’ont pas besoin de coachs pour régler ces problèmes, ils ont juste besoin d’assumer leur rôle de manager, ce qui implique de passer du temps à entretenir des relations harmonieuses avec chacun des membres de leur équipe et de prévenir ou d’éteindre les conflits qui surviennent entre leurs collaborateurs et qui menacent la cohésion et l’unité de l’équipe. 

Si le manager ne sait pas comment résoudre ces problèmes, on pourrait être tenté de lui proposer des séances de coaching mais ne serait-il pas plus judicieux de lui offrir l’aide d’un mentor, d’un conseiller ou d’un pair ; autrement dit, de lui offrir l’accès à une expertise managériale ?

Quand on a un marteau dans les mains, on voit des clous partout. Ainsi, nombre de coachs ont tendance à croire que les outils du coaching sont la solution à tous les problèmes de l’entreprise et que les managers qui se formeraient au coaching deviendraient de meilleurs managers. Il paraît plus avisé de former les managers au management et au leadership pour atteindre un tel objectif. 

Le mythe de la fin des managers

Derrière cette notion du manager coach, l’on voit aussi transparaître le mythe de la fin des managers. Un nouveau courant du management en appelle, en effet, à la fin de la hiérarchie et à la disparition de la fonction du manager. L’holacratie (Brian Robertson), l’entreprise libérée (Tom Peters, Isaac Geetz) ou le paradigme évolution/opale (Frédéric Laloux) proposent un management sans manager en redécouvrant les vertus supposées de l’autogestion des employés. Leur point commun ? Ils préconisent des structures plates, des organisations horizontales et un management liquide. L’abolition de toute hiérarchie satisferait à la fois l’aspiration démocratique à plus d’égalité dans l’entreprise et le besoin d’agilité dans un monde dit VUCA – acronyme anglais pour désigner un monde volatile, incertain, complexe et ambigu. On réconcilierait ainsi démocratie et performance économique. Le corollaire à ce mythe de la fin des managers est que l’on serait tous des managers dans l’âme, qu’en chacun de nous sommeillerait un leader et que tout travail consisterait à manager quelque chose. Cela se traduit notamment par une tendance à donner des titres de « manager » à de plus en plus de monde. Ainsi, par exemple, l’hôtesse d’accueil ou la secrétaire s’appelle dorénavant un « office manager ». Dans cette perspective, on comprend que la seule posture qui puisse devenir envisageable pour le manager est celle de coach. 

On omet ici deux réalités anthropologiques. D’une part, une organisation sans hiérarchie est une organisation où prospère l’envie (ou la jalousie si vous préférez), la rivalité et la compétition, et la rigidité de la hiérarchie fait place à la désorganisation de l’anarchie. D’autre part, une organisation a besoin de leaders pour donner une vision, entraîner, décider et arbitrer. Les hommes ont besoin de chefs pour les conduire et leur permettre de se dépasser. Nous ne sommes pas tous des leaders ; la grande majorité d’entre nous sont même plutôt des suiveurs. Le manager leader a donc encore de beaux jours devant lui. 

En tant que meneur d’hommes, le manager doit se former à l’intelligence émotionnelle car, d’une part, il doit savoir prévenir, détecter et dissiper les émotions négatives de ses collaborateurs, à commencer par la peur et l’envie qui sont les plus nuisibles à la vie d’équipe. Et, d’autre part, savoir susciter des émotions positives, au premier rang desquelles, l’admiration et la gratitude, car elles sont les plus créatrices de confiance, d’autorité et de loyauté et les meilleures vectrices du bien-être et de la motivation au travail. Le manager a ainsi davantage vocation à devenir un expert en intelligence émotionnelle qu’un coach.

La bio de Thierry Paulmier 

Thierry PaulmierThierry Paulmier est économiste, politologue et comédien de formation. Après une thèse à la croisée de l’économie internationale et de l’économie de l’innovation, il part travailler pendant 7 ans à Genève dans une agence de l’ONU spécialisée dans l’assistance technique aux pays en développement dans le domaine du commerce international. Puis il démissionne pour suivre une école de théâtre professionnelle à New York, The American Academy of Dramatic Art (AADA), et entamer, en parallèle, une thèse de philosophie politique sur les fondements émotionnels du politique. Après 7 ans de recherche sur les émotions, il soutient une thèse qui propose une nouvelle hypothèse anthropologique fondée sur les émotions et capable d’expliquer non seulement les différents types de rapports hiérarchiques entre gouvernants et gouvernés et les différentes formes de pouvoir et d’autorité, mais aussi d’offrir une cadre d’analyse et d’action à tout rapport interpersonnel. Il a appelé cette hypothèse « Homo emoticus » en opposition à l’hypothèse de l’Homo economicus. Il enseigne l’intelligence émotionnelle à l’ENA, à l’Ecole de guerre et au Secrétariat Général du Gouvernement. Il intervient également en entreprise auprès de managers et de dirigeants d’entreprise. Son site :  www.emothink.com. Son livre « Homo emoticus : l’intelligence émotionnelle au service des managers » est à paraître le 25 mars 2021 chez Diateino.

Et plus encore : le coup de cœur de Thierry Paulmier

livre Daniel Goleman L’intelligence émotionnelle, 1&2 Intégrale (2014) de Daniel Goleman est un ouvrage incontournable car il rassemble les deux premiers livres qui ont popularisé ce nouveau champ de recherche : Emotional Intelligence : Why It Can Matter More Than IQ (1996) et Working with Emotional Intelligence (1998). Il permet donc de revenir à la source de cette nouvelle discipline et de se familiariser avec tous les aspects de ce soft skill. Il fourmille d’exemples qui permettent de saisir l’importance des émotions au travail. Il peut être utilement complété par la lecture de l’ouvrage co-écrit avec Richard Boyatsis et Annie McKee : L’intelligence émotionnelle au travail (2010). Dans ce dernier ouvrage, les trois auteurs traitent plus spécifiquement de l’application de l’intelligence émotionnelle au management.

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