green IT : comment réduire l’empreinte environnementale du numérique ?

#technologies

12 mars 2024

Si la transformation numérique s’est imposée comme une évidence dans les entreprises, la réduction de l’impact environnemental, et en particulier de l’empreinte carbone, devient à son tour un enjeu déterminant. On estime que le numérique est responsable à lui seul de 5 % des émissions de gaz à effets de serre en France[1]. Un chiffre qui pourrait bien doubler d’ici à 2025. Mais comment concilier progrès technique et responsabilité écologique ? Quelles avancées attendre du Green IT, soit des initiatives qui permettent de réduire l’impact du numérique sur l’environnement ? Décryptage et partage d’expérience de Patrick Ferron, DSI adjoint du groupe Randstad France.

  1. pourquoi faire du Green IT en entreprise ? quels sont les bénéfices attendus ?
  2. quelles sont les bonnes pratiques pour réduire l’impact environnemental de l’IT ? comment faire du Green IT ? 
  3. comment faites-vous concrètement pour réduire l’empreinte carbone de l’IT ? quel est votre plan d’action ? 
  4. quels rôles jouent les technologies émergentes, comme l’IA ou encore le cloud, dans la course vers la neutralité carbone ? qu’est-ce que l’IT for Green ? 
  5. quels freins restent à lever pour accélérer la transition vers le Green IT en entreprise ? quels sont les défis de demain ?

pourquoi faire du Green IT en entreprise ? quels sont les bénéfices attendus ?

Le premier bénéfice recherché d’une démarche Green IT en entreprise, ou numérique responsable, c’est la réduction de l’empreinte carbone. Nombre d’entreprises s’engagent dans une trajectoire de neutralité carbone et l’IT n’y échappe pas. Aujourd’hui, un quart de la consommation d’énergie des équipements informatiques pourrait être évitée : on comprend l’intérêt d’un changement rapide des pratiques. Il est notamment crucial de s’interroger sur le caractère automatique de certains usages IT.

Étudier sa consommation d’énergie implique aussi de s’attarder sur les enjeux de dépendance énergétique. Au cours des dernières années, des entreprises ont pu être confrontées à des coupures d’électricité et des problématiques de rationnement. De telles réalités mettent en évidence la dépendance du monde économique aux ressources énergétiques. Au regard des prévisions, une grande partie des entreprises – en particulier dans les secteurs les plus consommateurs, tels que l’industrie – risquent d’être soumises à des difficultés d’approvisionnement énergétique dès 2026, avec des phénomènes tels que l’inflation des prix du gaz et de l’électricité, les risques de coupures électriques, etc. Dans ce contexte, il apparaît essentiel de limiter la vulnérabilité des entreprises face à ces enjeux.

quelles sont les bonnes pratiques pour réduire l’impact environnemental de l’IT ? comment faire du Green IT ?

Dans le domaine du Green IT en entreprise, l’élément le plus significatif en termes d’impact environnemental, c’est le matériel informatique. Réduire cet impact de façon pragmatique suppose de commencer par faire l’inventaire des assets matériels : PC fixes et portables, tablettes, copieurs, etc. Puis, il convient d’analyser la consommation selon les typologies d’équipement et d’identifier les moins consommateurs d’énergie. Il faut également tenir compte de la durée de vie du matériel et de son potentiel en termes de seconde vie et de recyclage.

Concrètement, chez Randstad, nous avons réduit le nombre de devices par collaborateur en passant de trois à deux, (ordinateur fixe, tablette et smartphone -> Chromebook et smartphone) permettant un usage hybride. À la clé : des économies de coûts et d’émissions carbone. !

Il est également important de se pencher sur la partie infrastructures réseaux qui est, elle aussi, particulièrement énergivore (alimentation des équipements et système de refroidissement). Les data centers consomment ainsi à eux seuls 2 % de l’électricité et sont responsables de 0,3 % des émissions de gaz à effet de serre à échelle mondiale[2]

Pour revenir à l’échelle de l’entreprise, l’un des chemins naturels pour réduire l’impact est la virtualisation, une technologie qui permet de diviser les ressources matérielles physiques en une version virtuelle. Soit la possibilité de maximiser l’utilisation de l’équipement et de réduire la consommation énergétique, en diminuant le nombre de serveurs physiques (consommation 20 fois supérieur d’une VM).

Je trouve intéressant de croiser cette réflexion avec les mécanismes de gouvernance et d’évaluation. Aujourd’hui, l’ensemble des fournisseurs sont évalués sur des critères de sécurité ou de data privacy… Il n’y a aucune raison qu’on ne les évalue pas sur leurs engagements et/ou actions en matière de réduction de l’empreinte carbone ! D’où l’importance de s’interroger dès la phase amont et de poser la question de la mesure. Après le data privacy et la security by design, on entrera peut-être bientôt à l’ère de la « Sustainability by design ».

Nous rencontrons également des problématiques liées aux logiciels qui agrègent d’immenses volumes de données, et qui ont donné naissance au Big Data. Ces data sont souvent stockées et agrégées par précaution pour une potentielle utilisation future, selon la philosophie du « au cas où ». Or, lorsqu’on se penche sur la consommation de ces centres de stockage géants, l’approche peut faire l’objet d’une sobriété numérique en s’interrogeant sur l’utilité et l’usage avant de stocker. Une gouvernance de la donnée appropriée peut être mise en place.

comment faites-vous concrètement pour réduire l’empreinte carbone de l’IT ? quel est votre plan d’action ? 

Le groupe Randstad s’engage officiellement en matière de développement durable et de réduction de ses impacts environnementaux, avec un objectif de réduction de 50 % de ses émissions de gaz à effet de serre à horizon 2025, et zéro émission en 2030.

Dans la poursuite de ces objectifs, des bonnes pratiques sont mises en œuvre, en matière de numérique responsable, mais pas seulement.

Partie intégrante de cette stratégie, la démarche ECODEV, pilotée par la direction financière et de l’environnement de travail du groupe, vise à déployer des bonnes pratiques en termes de développement durable et, plus spécifiquement, à réduire les émissions carbone. Au-delà du Green IT, cette démarche concerne les smart buildings, les déplacements de collaborateurs, les contrats d’énergie, etc. Les équipes ont identifié diverses poches d’optimisation dans cette optique.

Après le temps de l’engagement vient le temps de la mesure. Sur la dimension IT, il est important d’analyser les résultats de nos actions et d’utiliser des indicateurs pertinents. Nous avons notamment quantifié les résultats du passage de trois à deux équipements électroniques par collaborateur, ainsi que les conséquences de la virtualisation en termes d’infrastructures.

quels rôles jouent les technologies émergentes, comme l’IA ou encore le cloud, dans la course vers la neutralité carbone ? qu’est-ce que l’IT for Green ?

La notion d’IT for Green désigne une contribution positive et mesurable du numérique à l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le concept va donc plus loin que celui de Green IT.

L’intelligence artificielle utilisée à bon escient ouvre des opportunités immenses.  

S’il est indéniable que les outils d’IA consomment beaucoup d’énergie en raison de la puissance de calcul qu’ils nécessitent, ils servent aussi mécaniquement à détecter et traiter les sources de gaspillage. En cela, ils représentent une source d’optimisation dans la gestion des ressources. L’agriculture de précision est un cas d’usage pratique par exemple. Robotique, IA et vision assistée par ordinateur se conjuguent pour permettre aux agriculteurs de traiter au plus près cultures et élevage.

Quant à la virtualisation et plus particulièrement à la migration des données dans le cloud, cela permet d’avoir des infrastructures plus modulaires, avec un meilleur rendement et un niveau de granularité plus fin pour piloter l’utilisation des ressources sur toute la chaîne. À cet égard, il est important de tenir compte du facteur géographique (trajet du trafic, synchronisation des activités).

Côté IoT, les systèmes de mesure et d’aide à la décision communiquent entre eux. À l’instar des progrès réalisés dans les smart buildings, plus il y a d’interconnexion entre les objets, plus le potentiel d’optimisation de l’utilisation des ressources est élevé.  Tout en accompagnant la sécurité de ces objets connectés…

IA, cloud ou IoT… La raison et la sobriété prime. Fabriquer des objets connectés sans objectifs réfléchis et bien définis ne servira en rien à améliorer l’empreinte carbone de l’IT. Pour concilier IT et développement durable, la clé est de systématiquement rechercher l’usage à bon escient.

quels freins restent à lever pour accélérer la transition vers le Green IT en entreprise ? quels sont les défis de demain ?

Si le cadre réglementaire peut inciter les acteurs économiques à adopter des bonnes pratiques, sa complexité peut aussi générer une certaine inertie.

Les comportements humains, ancrés dans les habitudes, se révèlent un obstacle significatif à l’essor du Green IT. Achat compulsif, renouvellement régulier d’un matériel non obsolète, avalanche d’emails, consommation de vidéos tous azimuts… Que ce soit dans la sphère personnelle ou professionnelle, nous sommes sur-stimulés sur le potentiel d’usage des outils numériques… quand nous devrions l’être sur l’intérêt de ne pas surconsommer. C’est une équation insoluble. Il faut se poser des questions, individuellement et en entreprise : est-ce qu’on en a vraiment besoin de tel appareil ? Est-ce qu’on en fait un usage raisonné ?

Changer ce paradigme implique de la pédagogie, de l’information, des connaissances à développer, de la métrologie et de la gouvernance.

Pour éviter que le Green IT flirte avec le Greenwashing, il faut que les entreprises soient véritablement engagées et ambitieuses dans leurs démarches d’amélioration et leurs stratégies RSE. Un élan qui doit être initié par les directions générales, avec une allocation de ressources humaines et financières à la hauteur des enjeux majeurs de la transition écologique.

Patrick Ferron est DSI adjoint du Groupe Randstad France, la holding qui pilote l’ensemble des activités commerciales du groupe en France, et notamment celles d’Expectra. Manager expérimenté dans les technologies de l’information et le pilotage de services stratégiques IT, il évolue dans un département qui a en charge toutes les marques et les filiales du groupe ainsi que les solutions « consultants ». Fort d’une double compétence technique et fonctionnelle, avec une expérience de plus de quinze ans au sein du groupe, Patrick Ferron a pour mission prioritaire de concevoir les solutions en mobilité et en agence. Son intérêt prononcé pour la « sustainability » lui ont permis de prendre en main les enjeux de Green IT et IT for Green à l’échelle du groupe, explorant l’ensemble des opportunités offertes par les nouvelles technologies et les points de friction entre transition écologique et usages numériques.  

  1. [1] PwC – La démarche Green IT pour une organisation plus performante
  2. [2] Carbo – Pollution des data centers, comment la réduire ? / décembre 2023

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