quand trop de reconnaissance tue la reconnaissance ! le billet de Raphaël Maisonnier.

#bien-être au travail #leadership #motivation

16 mai 2023

« Merci beaucoup, super, bravo »… C’est sympa tout ça, mais où mettre le curseur entre gentillesse rudimentaire et gratitude sincère ? A l’heure où de nombreux français estiment manquer de reconnaissance, l’excès de zèle peut être tout aussi contre-productif. C’est ce qu’aborde Raphaël Maisonnier, conférencier et CEO de Fasterclass, dans ce nouveau billet.

La moitié des Français ressent un manque de reconnaissance au travail, comme l’évoque cet article. Je me dois donc de faire ce petit disclaimer : si vous ne remerciez ni félicitez jamais vos collègues – ni vos proches – tentez l’expérience : osez un « merci » ! Vous en mesurerez l’effet quasi immédiat au regard qui s’illumine chez la personne qui le reçoit.

Si, de manière générale, on souffre de manque de reconnaissance, peut-on aussi souffrir de l’excès inverse ? L’excès de compliments ou de félicitations peut-il insidieusement favoriser le manque de reconnaissance ? Trop de reconnaissance peut-elle tuer la reconnaissance ? 

reconnaissance : les 3 symptômes de l’overdose.

symptôme n°1 : la baisse des attentes.

Imaginez, vous avez répondu à 3 mails dans la journée. Rien de spécial, vous avez simplement accepté 3 demandes externes en 2 phrases. Votre manager était en copie.

Après chaque mail, il vous dit : « Génial ton mail ! », « Heureusement que tu es là ! ». 

Tout de suite, vous allez vous demander : « Mais à quoi est-il habitué ? Les personnes sont-elles si mauvaises que ça dans cette entreprise ? Personne ne sait écrire un mail ou quoi ? »

Et puis bon, si vous écrivez 3 mails et qu’on vous tresse des lauriers, pourquoi se démener et faire plus ? On repassera demain pour les mails suivants et les autres actions : avec 3 mails traités, vous êtes déjà un « top performeur » !

Puis vous voilà en décembre, à l’entretien annuel. Et vous n’aurez ni la promotion, ni l’augmentation souhaitée. En même temps, les objectifs de la direction n’ont pas été atteints, l’équipe n’a pas suffisamment performé. Pire, on vous reproche de vous être reposé sur vos lauriers. Aïe.

En bref : l’abondance de superlatifs pour une toute petite action de rien du tout donne le sentiment que les attentes sont très basses et qu’on peut devenir une star de l’entreprise en se la coulant douce. Attention au retour de bâton à l’entretien annuel lorsqu’on se rendra compte que ce n’était pas le cas ! 

symptôme n°2 : ce qui est abondant ne vaut rien.

C’est une des théories économiques les plus communément acceptées : ce qui est rare est cher. Si vous mourez de soif dans le désert, vous serez prêt à payer très cher un peu d’eau.

À l’inverse, ce qui est abondant n’a que peu de valeur – voire aucune.  On a beau mourir sans oxygène, il est tellement abondant autour de nous qu’on le consomme au quotidien gratuitement sans s’en rendre compte.

De même, imaginez qu’à chacune de vos actions, vous recevez des avalanches de « wahou », « bravo », « extra », « génial » et autres superlatifs de la part de votre directeur.

Comme nous vivons dans un désert de reconnaissance, vous accueillerez extrêmement bien les premiers. Mais au bout de quelques semaines, après avoir discuté avec vos collègues, vous vous rendrez compte qu’ils reçoivent tous eux aussi les mêmes gratifications. 

Puis vous vous direz : «Ah mais en fait, il dit ça à tout le monde ! » Et les futures signes de reconnaissance de sa part n’auront plus d’effet sur vous… Pire encore, le jour où il voudra témoigner d’une vraie reconnaissance, vous ne le remarquerez même plus. Elle sera diluée dans le flot des reconnaissances futiles et abondantes, dépassée par le besoin de surenchère perpétuelle.

symptôme n°3 : la suspicion de la manipulation.

D’ailleurs, malheureusement pour notre cher directeur, à force de dire à tout le monde à quel point il ou elle est extraordinaire, plus personne n’y croira.  On sait bien qu’on ne peut pas TOUS être si géniaux !

Viendra alors la question du pourquoi : 

Pourquoi est-il si élogieux envers tout le monde ?

Ne serait-ce pas pour s’attirer nos bonnes grâces ?

En d’autres termes : ne serait-il pas en train de nous flatter pour nous manipuler ?

Ce n’est pas certain, mais c’est une possibilité. 

Les plus méfiants perdront confiance en lui et ses éloges. Or, on sait bien que sans confiance, la collaboration est bien plus difficile – pour ne pas dire impossible – à terme.

Ainsi, un excès de reconnaissance peut paradoxalement conduire à un manque de reconnaissance, car les signes de reconnaissance ne seront plus perçus comme tels, mais plutôt, au mieux, comme sans valeur, et au pire, comme des actes de manipulation.

Alors, comment trouver le juste milieu entre absence et excès de reconnaissance ?

3 techniques pour éviter les défilés de fanfares et le silence radio.

conseil n°1 : la chasse aux excès.

Comme pour tout, les excès n’apportent rien de bon. Ainsi, même si la reconnaissance est essentielle, tentez de trouver le juste dosage sans tomber dans l’excès. Comme chaque mot a de la valeur et un sens, il faut parfois savoir remercier et aussi parfois avoir le courage de recadrer. Gardons le sens de la mesure !

conseil n°2 : et si vous restiez sobre ?

Plutôt que de féliciter avec toute une litanie de superlatifs, il vaut parfois mieux simplement remercier, même sobrement. 3 consonnes et 2 voyelles : MERCI, et basta cosi.

Cela permet à la fois de : 

  • Faire preuve d’empathie
  • Valoriser l’autre
  • Exprimer sa gratitude

Tout cela en seulement 5 lettres ! Vive la sobriété !

Bonus : remercier plutôt que féliciter évite aussi d’établir un rapport qui peut rappeler le lien hiérarchique, voire être perçu comme patriarcal, comme un père à son enfant, ou un professeur à son élève, qui le félicite et distribue les bons points.

Les félicitations peuvent alors être gardées pour des performances véritablement exceptionnelles.

conseil n°3 : faites des feedback.

Comme le rappelle Stéphane Moriou, chercheur anthropologue et père du feedback en France, Feed = Nourrir et Back = en retour. Le feedback est donc une observation directe partagée à l’autre dans le but de lui apprendre quelque chose qu’il ne sait pas encore.

Plutôt que de rappeler une évidence à quelqu’un dans le but de le flatter, apprenez-lui quelque chose avec un feedback positif. Ce ne sera plus de la flatterie, mais un vrai apprentissage et un vrai cadeau que vous lui ferez.

Pour éviter que votre feedback ne soit en réalité un compliment, je vous propose d’utiliser la méthode STAR, utilisée et recommandée par le même Stéphane Moriou.

Cette méthode STAR (SiTuation, Action, Résultat) consiste à dire :

« dans cette situationtu as fait ceci, et tu as obtenu tel résultat ». 

Cela permet au cerveau de faire l’association suivante : 

« si je me retrouve dans une situation similaire et que je reproduis la même action, alors je réussirai de nouveau ».

C’est ce que l’on appelle une formule algorithmique.

Au début, faire des feedback (sans -s, car c’est un indénombrable en anglais) vous semblera fastidieux et peu naturel. Cela viendra peu à peu avec l’habitude. Et d’ici là, la bonne nouvelle, c’est que vous ne risquez pas d’en donner trop !

À vous de jouer 🙂

à propos de l’auteur :

photo Rapahel Maisonnier - Billet ExpectraDiplômé du Master in Management d’ESCP Business School, Raphaël Maisonnier s’est donné la mission d’utiliser la technologie pour rendre les organisations plus humaines et apprenantes. Il a co-fondé Fasterclass en 2021, un organisme de formation certifié Qualiopi, basé à Station F, spécialisé dans les softskills comme le management, le leadership, le feedback, la gestion du temps, la gestion de projet, ou encore la prise de parole. 

Un objectif : avoir un maximum d’impact en un minimum de temps. Des entreprises reconnues comme Decathlon, Louis Vuitton, la SNCF, La Redoute, Louvre-Hotels, ou encore le Ministère de l’Economie lui font confiance.

💖 Et plus encore : les Coups de cœur de Raphaël Maisonnier.

Mes coups de cœur concernent tous les deux le sujet du feedback. Cette langue encore trop peu parlée de nos jours et qui est un puissant levier d’engagement – à l’inverse de la flatterie et de l’excès de compliments.

Stéphane Moriou a été une des plus grandes inspirations ces deux dernières années. Il travaille désormais à la diffusion de ce petit outil au grand impact. Il a récemment : 

1– Publié un livre : Feedback, le pouvoir des conversations aux éditions Dunod. A coup sûr l’ouvrage le plus puissant que vous pourrez lire en Français sur le sujet. Voire peut-être toutes langues confondues – mais je ne les parle pas toutes, d’où ma prudence. couverture livre Feed Back le pouvoir des conversation.
couverture livre feedback par Fasterclass 2– Si vous n’aimez pas lire, il a concentré l’essentiel de ses enseignements dans une mini-série pédagogique d’une dizaine d’épisodes de 5 minutes chacun en moyenne. 20 ans de recherche concentrés en moins d’une heure : une pépite.

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